Le bracketing d'exposition
Faire de la photographie, c’est chercher à capturer la plus belle scène et notamment la mieux exposée. La plupart du temps, nos appareils modernes arrivent à réaliser une image correctement exposée (ni trop sombre ni trop claire) en une seule prise de vue. Cependant, certaines scènes aux contrastes élevés sont impossibles à photographier de façon satisfaisante en une seule prise, c’est le cas notamment des couchers de soleil (voir l’article dédié).
Pourquoi cette limite ? Ceci est dû à la plage dynamique de votre appareil photo, c’est-à-dire la capacité de votre capteur à aller chercher des informations au maximum dans les hautes lumières et dans les basses lumières (appelées ombres). Lors de scènes très contrastées avec une forte source de lumière (le soleil par exemple) et un paysage à contre-jour, le capteur de votre APN (tout comme votre œil d’ailleurs) ne peut capturer toutes les informations des plus hautes aux plus basses lumières en une seule prise. Est-ce pour autant la fin ? Et bien non !
En effet, la photographie nous apporte une technique extraordinaire afin d’augmenter manuellement la plage dynamique de notre appareil photo : c’est le bracketing d’exposition. Et le meilleur dans tout ça, c’est que vous connaissez cette technique sous le nom de HDR pour High Dynamic Range (ou « Haute Plage Dynamique »).
Cependant, le mode HDR souffre d’une mauvaise réputation à cause d’un abus certain et d’un excès qui pique la rétine (mes yeux pleurent encore). La technique du HDR est de fait ni plus ni moins qu’un bracketing d’exposition qui est automatisé dans nos smartphones.
Le HDR poussé ... A son excès ?
Mais alors, comment cela fonctionne ? C’est très simple : il suffit de prendre plusieurs photos d’une même scène mais avec des expositions différentes : des photos sous-exposées, une photo exposée normalement et des photos surexposées. Par la suite, ces images sont assemblées de la façon suivante :
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Les photos sous exposées permettent d’avoir les zones les plus claires correctement exposées ;
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La photo exposée normalement permet d’avoir les tons moyens ;
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Les photos surexposées permettent d’avoir les zones les plus sombres (souvent le paysage et les zones à contre-jour, les ombres) correctement exposées.
Bref, le bracketing est une solution remarquable pour réaliser de beaux clichés dans des conditions de forts contrastes. Voyons à présent comment procéder étape par étape.
Réaliser un bracketing d’exposition
1ère étape : faire le bracketing sur le terrain
Avant toute chose, il faut partir d’un constat : tout le monde peut faire un bracketing d’exposition, même avec un smartphone. Dans les faits, il s’agit simplement de faire plusieurs photos manuellement ou automatiquement d’une même scène avec seulement des expositions différentes.
Ainsi, même si vous n’avez pas de mode prédéfini de bracketing dans votre matériel, vous pouvez le réaliser vous-même en jouant manuellement sur différentes expositions. Malgré tout, les APN possèdent presque tous désormais un mode bracketing surnommé parfois AEB (bonjour Canon) pour Automatic Exposition Bracketing (Bracketing d’Exposition Automatique). Cherchez dans votre matériel, ce mode est sans doute caché quelque part. Pour ce qui est des smartphones, ils proposent parfois ouvertement ce mode ou tout simplement un mode HDR qui fait automatiquement ce processus. Pratique.
Le bracketing est nommé AEB sur les boîtiers Canon.
Alors, comment fonctionne ce mode bracketing ? Nous allons partir d’un exemple, celui de mon boîtier, un Nikon D800. Bien évidemment, le fonctionnement varie selon les marques, les boîtiers, etc ; cependant, le fonctionnement et les paramétrages sont souvent les mêmes. Regardons cela de plus prêt.
Le fonctionnement général du mode est très simple : votre boîtier va automatiser le bracketing en gérant tout seul les différentes expositions que vous aurez définies en amont. Il faut donc paramétrer le boîtier avant la prise de vue pour lui dire ce qu’il doit faire :
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Combien de photos il doit prendre (3/5/7/9/12) ;
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Quelle différence d’exposition (exprimée en stops/EV/IL) il doit y avoir entre chaque photo (0.3/0.7/1) ;
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Dans quel ordre il doit prendre les images (d’abord les surexposées ou les sous-exposées ?).
Le bracketing est présent avec la touche BKT sur le Nikon D800.
3F : l'appareil photo prendra 3 photos (une sous-exposée, une exposée normalement, une surexposée)
1.0 : l'appareil fera une différence d'exposition d'un stop entre chaque photo.
Une fois ces paramètres rentrés, il suffit de prendre en photo la scène en restant appuyé sur le déclencheur comme en rafale : l’appareil va lui-même appliquer les réglages et s’arrêter au bout du nombre de photo défini.
Prenons un exemple : je souhaite faire un bracketing de 3 photos avec 1 stop d’écart entre chaque image en commençant par les sous-exposées. Cet exemple a été réalisé sur une scène en contre-jour, face au soleil, à la citadelle d'Arras. Le bracketing est réalisé afin de garder le bâtiment correctement exposé et un ciel également non cramé. Je reste appuyé sur le déclencheur et l’appareil prend alors 3 photos comme ceci :
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Une première photo sous-exposée à -1 stop
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Une seconde photo normalement exposée
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Une troisième photo surexposée à +1 stop
Photo sous-exposée (-1 stop).
Photo normalement exposée.
Photo surexposée (+1 stop).
Après la troisième photo, votre appareil s’arrête et l’opération est terminée. Attention, pensez à désactiver le mode bracketing une fois que le résultat souhaité est obtenu.
La photo finale issue des trois photos précédentes.
2ème étape : assembler les photos
Afin d’obtenir le rendu HDR final, il faut à présent assembler les images. Là où nos smartphones font cet assemblage automatiquement, ce n’est pas souvent le cas sur les APN. Il faut alors le faire sur ordinateur.
Là encore, l’assemblage peut être sous deux formes :
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Automatique par l’intermédiaire d’un logiciel (mode HDR) ;
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Manuel par la technique du blending.
Le blending est la solution privilégiée par les photographes de paysage car elle permet un contrôle total, mais elle est aussi bien plus complexe et longue à réaliser. Nous allons nous focaliser sur le processus automatique. De nombreux logiciels gratuits permettent de fusionner vos images, mais je vais vous parler de trois logiciels payants qui offrent des rendus très concluants : Aurora, Lightroom et Photoshop.
Aurora HDR 2019
Aurora est un logiciel développé par Skylum (studio qui fait Luminar) spécialisé dans la photo HDR. En somme, ce logiciel permet d’assembler les clichés pris en bracketing et d’en tirer le meilleur. C’est vraiment un logiciel extraordinaire qui vous offrira le meilleur comme le pire si on abuse des curseurs (comme toujours avec du HDR). Il est utilisable en plugin directement depuis Lightroom et Photoshop. Au prix de 99 euros la licence, il faut vraiment faire beaucoup de HDR pour le rentabiliser. Malgré tout – et oui bonne nouvelle, la version 2018 (déjà très complète) est à télécharger GRATUITEMENT sur le site de Skylum. Oui oui, sans embrouille et c’est juste ici.
Cependant, c’est bien sur Lightroom et Photoshop, les deux logiciels d’Adobe, que nous allons fusionner nos images. Ces deux logiciels sont bien plus utilisés qu'Aurora.
D’ailleurs, si vous cherchez un logiciel de post-traitement, nous avons rédigé un article juste ici pour vous présenter quelques logiciels vraiment bons.
Lightroom
Sur Lightroom, l’assemblage de photos HDR est simplissime puisqu’il suffit de :
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Sélectionner vos photos prises en bracketing (clic gauche sur la première puis restez appuyé(e) sur la touche ALT et cliquez sur la dernière, toutes les photos seront sélectionnées) ;
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Faire un clic droit sur la sélection ;
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Cliquer sur « Fusion de photos »
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Cliquer ensuite sur « HDR »
L'assemblage des photos issues du bracketing dans Lightroom.
Un petit menu s’ouvre. Gérez vos différents réglages et si cela vous convient, validez. L’ordinateur travaille et votre photo est prête : vous avez une photo HDR avec une grande plage dynamique.
Photoshop
Sur Photoshop, l’opération est aussi simple :
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Cliquez sur « Fichier » ;
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Allez sur « Automatisation » :
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Puis sur « Fusion HDR Pro » ;
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Sélectionnez vos images dans vos fichiers.
Comme sur Lightroom, Photoshop offre divers paramètres. Une fois les réglages terminés, validez. Votre image est prête, il ne reste plus qu’à l’exporter ou à la sauvegarder.
Les limites du bracketing d’exposition
Et oui, même si cette technique est extraordinaire, elle présente néanmoins certaines limites.
Une technique non adaptée aux sujets en mouvement
Un bracketing d’exposition repose sur une rafale. De fait, si votre scène présente des éléments en mouvement, c’est le bracketing ne fonctionne pas. Ainsi photographier une ville où tout bouge est presque impossible en bracketing ; idem si vous visez un coucher de soleil en bord de mer avec une eau agitée, cela sera compliqué. Même si les logiciels compensent les différences entre les images, leurs capacités restent limitées. C’est pour cela qu’il existe le blending, car cet assemblage manuel permet de choisir soi-même les zones à garder (et donc mieux éliminer les différences face à l’automatisation).
Le bracketing n’est pas adapté aux poses longues
Si vous aimez les poses longues, passez votre chemin. Le bracketing est fait pour des scènes rapides à figer et non pour des temps longs de pose. Si vous êtes adepte de temps de pose allongés, il faut se tourner vers des filtres ND et GND pour équilibrer l’exposition de votre image.
Ce cliché, pris avec un filtre GND, est impossible à faire en bracketing.
Attention si vous ne possédez pas de trépied
Puisqu’un bracketing est issu d’une rafale, il faut que la scène soit la même entre les images. Dans l’idéal, il faut faire la prise de vue avec un trépied : vous êtes certain d’avoir exactement le même cadrage et de ne pas avoir de flou de bouger sur les vitesses les plus lentes.
Si vous n’avez pas de trépied sous la main, pas de panique. Pensez à bien contrôler votre respiration, à tenir fermement votre boîtier et à rester le plus stable possible. Attention tout de même aux vibrations sur des vitesses lentes à main levée.
Le bracketing nécessite une étape de post-traitement
Si vous n’aimez pas passer par l’outil informatique ou que votre matériel n’automatise pas l’assemblage des images, alors le bracketing ne sera pas une bonne solution pour vous. En effet, il nécessite des étapes de post-traitement qui ajoutent du travail à votre image. Ce n’est donc pas la technique idéale pour obtenir immédiatement un cliché bien exposé dans des scènes très contrastées.
Ma pratique du bracketing d’exposition
Faisant beaucoup de paysage – mais pas seulement, le bracketing est une technique que j’utilise très souvent si la scène le permet. D’ailleurs, ce mode est très facilement accessible sur mon D800 sur la molette supérieure.
J’utilise cette technique notamment en voyage quand mes filtres ne sont pas dans mon sac, ou même en complément des filtres lorsque je souhaite avoir une large plage dynamique.
Aussi, je l’utilise en portrait lors de shooting en contre-jour : le ciel ainsi que le soleil seront correctement exposés, et mon modèle à contre-jour le sera également. Dans cette situation, je préviens mon modèle qui sera invité(e) à ne pas bouger afin d’éviter tout flou.